Manhattan à Montréal pour la Fierté!

À l’approche de la Fierté montréalaise, je me suis entretenu avec notre Van Hechter national, le gars qui, après voir enflammé les nuits New Yorkaises (ainsi que Californiennes et Floridiennes) a décidé, cette année, de ne pas sortir du Québec. Au lieu de se rendre aux ”States” comme il en avait l’habitude depuis 8 ans, il a eu l’idée d’amener Manhattan à Montréal (plus précisément à l’Orage- une institution s’il en est une), au début du mois d’août…

Te souviens-tu de tes premières Fiertés à Montréal?

– Oui! Les premières sont toujours les plus marquantes. C’était une époque difficile mais magique à la fois. On était en pleine crise du SIDA, l’homophobie était considérée comme étant normale et nous n’avions pas les mêmes droits que les hétérosexuels, donc nous nous tenions entre nous! Il y avait une solidarité du tonnerre au sein de la communauté. Le défilé de la fierté était ressenti presque comme une parade militaire.

Et ce Chauncey que tu nous amènes de NYC, même si tu en as déjà parlé lors de nos entretiens, peux-tu rappeler à nos lecteurs qui il est?

– Chauncey Dandridge est le DJ résident du mythique Stonewall Inn (lieu où les émeutes ayant menées à la décriminalisation de l’homosexualité ont eu lieu en 1969- on a célébré le 50ième anniversaire ensemble en 2019, d’ailleurs). Il est aussi impliqué dans plein de causes, il milite sans cesse. En plus il est auteur. Bref il est toujours partout à NYC, ne prend presque jamais congé et j’ai adoré son énergie dès que je l’ai rencontré. On a enregistré plusieurs duos à thématique LGBTQ ensemble (2 ont été en nomination pour un GLAM AWARD). Je fais toujours Pride NYC avec lui et cette année j’étais si triste de rater notre rituel que je l’ai invité à venir spinner à Montréal, lors de notre fierté!

Ça a cliqué tout de suite avec lui?

– Les quelques très bonnes décisions que j’ai prises dans ma vie se sont faites en 2 secondes. Je suis entré au Stonewall Inn et en le saluant j’ai eu l’impression que ma vie allait changer. Plus tard il m’a avoué avoir ressenti la même chose. Ce premier soir, en rentrant au YMCA (où je logeais) je l’ai texté et on se texte à tous les jours depuis! C’est pas incroyable, ça? Il m’a ouvert les portes de NYC, mais surtout il est devenu celui que j’appelle mon ”Disco Brother”…

De quoi es-tu fier?

– En termes de ”Fierté”? Je suis fier de ne plus avoir honte. Tu sais, j’ai été élevé par un père breton très catho qui avait grandi dans les années 1930 sur une ferme. Il m’a eu très tard dans la vie. Je ne le blâme plus, je comprends d’où il venait… Mais pour lui les gais auraient du être castrés, emprisonnés ou séparés de la société. Il m’a élevé là-dedans. J’avais honte d’exister. Et j’ai combattu très fort pour me sortir de cette éducation. J’ai été tous les gais, d’ailleurs: de ultra-efféminé pour provoquer mon père au mec fiancé à une fille pour lui plaire… J’ai essayé tous les modèles, du placard aux plumes…
Puis un jour je me suis trouvé et ça a été sans retour. Je suis très fier du travail que j’ai fait sur moi-même pour en arriver là. Devenir qui on est, totalement: pas tout le monde n’y arrive. Je connais des hétéros, d’ailleurs, qui se conforment à des codes sans s’en apercevoir, qui ne font que ce à quoi on s’attend d’eux sans ne jamais chercher à définir leur vie eux-mêmes. Je me dis souvent: ”Au final le fait de n’avoir pas eu de place assurée dans la société m’aura forcé à m’en créer une bien à moi”…

Ton rapport aux hétérosexuels ressemble à quoi?

– Les hétérosexuels sont souvent mes meilleurs alliés, crois-le ou non! Comme je te le disais plus tôt, avec Chauncey je fais plein de trucs ”LGBTQ”, mais dans la vie je côtoie plus d’hétéros que de gais, et mon following musical est assez straight! J’ai plein de ”bromance”e et de ”womance” partout où je vais. Maintenant à l’Orage les samedis soirs: plein de couples homme/femme me sautent dans les bras, m’embrassent. C’est un peu fou! Et- j’adore!

Chauncey et toi serez à l’Orage le jeudi 7 août pour célébrer la Fierté (donc soirée queer) et à nouveau le samedi 9 juillet en performance. Chauncey est-il habitué au publique straight que vous aurez le second soir?

– Hahahahaha! Non! Et j’ai très hâte de le voir dans cet environnement. Il s’adapte à tout très facilement mais c’est vrai que je vais l’emmener dans un univers qui lui est un peu étranger. Faut dire que notre amitié est basée en grande partie sur le fait que nous nous poussions mutuellement à explorer l’inconnu. Ce coup-ci, les rôles sont inversés: c’est moi qui le sort de sa zone.